Manon
Jules Massenet
Opéra en 5 actes
Livret de Henri Meilhac et Philippe Gille d’après le roman éponyme de l’abbé Prévost
Créé à Paris le 19 janvier 1884 à l’Opéra Comique.
Nouvelle production
Création au Grand Théâtre de Genève
Coproduction Opéra National de Bordeaux et Opéra Comique
Direction musicale,
Marc Minkowski
Mise en scène,
Olivier Py
Collaboration à la mise en scène et chorégraphie, Daniel Izzo
Décors et costumes,
Pierre-André Weitz
Lumières, Bertrand Killy
MANON Nadine Sierra
LE CHEVALIER DES GRIEUX Thomas Bettinger
LESCAUT Alexandre Duhamel
GUILLOT DE MORTFONTAINE Damien Bigourdan
LE COMTE DES GRIEUX Laurent Alvaro
MONSIEUR DE BRÉTIGNY Philippe Estèphe
POUSSETTE Olivia Doray
JAVOTTE Adèle Charvet
ROSETTE Marion Lebègue
Orchestre National Bordeaux Aquitaine
Chœur de l'Opéra National de Bordeaux
DIRECTION DU CHŒUR Salvatore Caputo
Inspiré du fameux (et scandaleux) Manon Lescaut publié quelque 150 ans auparavant par l’Abbé Prévost, Manon, opéra-comique en cinq actes, remporta, dès sa création à Paris en 1884, un succès public qui ne s’est jamais démenti : l’héroïne de Jules Massenet ne tarda pas à s’imposer, aux côtés de la Carmen de Bizet, parmi les plus populaires du répertoire lyrique français. Il est vrai que la destinée contrariée de Manon et de son infortuné soupirant, le Chevalier des Grieux, cruelle et bouleversante, est le prétexte idéal à une débauche d’airs de toute beauté, à travers lesquels Massenet s’impose comme l’« historien musical de l’âme féminine », selon le mot de Debussy...
Manon, voulu opéra comique, réserve cependant davantage de larmes que de rires et la musique de Jules Massenet s’attarde délicatement, au gré du désespoir et de la passion avec une élégance toute française.
INTRIGUE
La jolie Manon doit être conduite au couvent par son cousin Lescaut qui l’attend dans une auberge à Amiens. La jeune étourdie est à peine descendue de la diligence d’Arras qu’elle attire déjà les regards en suscitant toutes les convoitises. Le Chevalier des Grieux succombe immédiatement à son charme. Un coup de foudre immédiat conduit les deux jeunes gens à prendre la fuite pour aller vivre leur idylle à Paris. Malheureusement, la modeste existence que mènent les deux tourtereaux n’est pas à la mesure des désirs de Manon. Avide de luxe et de plaisirs, la jeune femme n’hésite pas à trahir l’amour et les serments de des Grieux pour céder aux promesses du riche Brétigny qui lui offre une vie brillante. Désespéré, le Chevalier se prépare à entrer au séminaire de Saint-Sulpice mais Manon parvient à le reconquérir et à le persuader de fuir à nouveau avec elle. Le jeu est le seul expédient qui reste à des Grieux pour satisfaire les goûts dispendieux de sa maîtresse. Soupçonné d’avoir triché, le Chevalier échappe à la police grâce à l’intervention de son père, tandis que Manon est arrêtée pour prostitution et condamnée à être déportée en Louisiane. Sur la route du Havre d’où elle sera embarquée, Manon meurt d’épuisement dans les bras de des Grieux qui l’a accompagnée dans l’espoir de pouvoir la faire libérer.
Les impressions du Président de l'association des Amis de l'Opéra Grenoble sur le séjour à Bordeaux:
Premier grand séjour de notre saison 2018.2019 dans la belle ville de Bordeaux en ce mois d’avril, annoncé comme mitigé au niveau météo, mais qui fut très ensoleillé. Juste un vent de nord pour rafraîchir nettement l’atmosphère.
Climat favorable à nos visites urbaines du centre historique de cette cité riche en monuments et architectures remarquables et disposant d’une ouverture fluviale unique en France, voire en Europe !
Nous garderons souvenir notamment de la superbe qualité du bâti très homogène et harmonieux, tout de pierre blonde.
Seul petit bémol à ce tableau : un ciel plutôt couvert, du moins voilé, laiteux, lors de notre escapade vigneronne à Saint-Emilion. Ce qui ne nous empêcha en rien d’apprécier la visite intéressante et chaleureuse du Château-Cantenac, puis du pittoresque village ancien de Saint-Emilion.
Séjour très satisfaisant sur tous les plans : météo, contenu, visites, gastronomie, musique et opéra, et accueil tant à l’hôtel Mercure qu’ailleurs ! Et conduit de main de maître par notre jeune conducteur Alexandre. Merci à lui !
Côté opéra :
Une représentation de la "Manon" de Massenet au Grand Théâtre, que nous avions visité auparavant. Elégante maison d’opéra classée monument historique au niveau architectural. Grande salle harmonieuse et chaleureuse, parfaitement équilibrée dans son rapport scène-spectateurs.
Mais, comme toutes les salles anciennes au charme fou, la qualité de placement est loin d’être tout confort : fauteuil étroit, peu de place pour les jambes, et visibilité très inégale.
Ceci n’entrava point notre plaisir d’assister à une représentation intéressante de cette célèbre "Manon", opéra populaire du grand répertoire français. Intéressante car très inventive et construite mais aussi très "agaçante" !
- Intéressante car le metteur en scène Olivier Py, que l’on ne présente plus, homme de théâtre intelligent et chevronné, nous a proposé un dispositif scénique complexe, évolutif et ingénieux, même si déjà vu autrefois (dans sa "Carmen") constitué d’éléments de décors mobiles, tout à la fois maisons, façades, murs, grilles, balcons, escaliers, etc…permettant des changements de décors à vue fluides et variés. Bravo aux techniciens de plateau pour leur professionnalisme !
- Intéressante parce que théâtrale, c'est-à-dire tenue de main ferme par un Olivier Py disposant de chanteurs-comédiens remarquables, très engagés dans le caractère de leur personnage. Beau travail de directeur d’acteur apportant une belle lisibilité de l’intrigue et des rapports entre les divers protagonistes.
L’on ressent là de toute évidence la patte d’un homme de théâtre accompli.
Mais……. très agaçante car "polluée" par une imagerie visuelle de cabaret, style "Folies bergères", transposée dans les années 1940 ou 1950 ( ?). Imagerie permanente et envahissante !
Que de guêpières, de bas résilles, de petites tenues, de jambes en l’air, de nudités, etc…… !!!!
Olivier Py ne peut malheureusement pas se retenir d’exacerber son penchant pour cet univers de grivoiserie, d’hôtels de passes, de "mauvaises" filles et de garçons "canailles", passablement éculé et se voulant sulfureux.
Quel dommage !! Et quelle exaspération de notre part !!! Trop c’est trop !! Et cela ne correspondait plus à grand-chose !
Rien de scandaleux, cependant, tellement c’est du déjà archi vu et convenu.
Et puis, quelle image de la femme ? Pourquoi une femme déterminée à mener sa vie librement selon sa vérité et ses désirs doit-elle être toujours présentée comme une catin, une fille de joie provocante et aguicheuse, capricieuse, etc… ?
Hola, cher Olivier Py ! Reprenez-vous !
D’autant plus que vous nous avez offert auparavant de remarquables moments d’émotions opératiques avec vos visions puissantes du "Tristan et Iseult" de Wagner à Genève, comme avec la bouleversante "Juive" d’Halévy à Lyon !
Bien sûr le livret de cet opéra ne cache pas le caractère léger de Manon, ambitieuse et frivole certes mais tout autant avide d’idéal, ni sur la prégnance terrible du "masculin" avec ces hommes manipulateurs et cupides, sans grands scrupules.
Mais, pourquoi appuyer ainsi avec autant de maladresse sur cet aspect central du livret que nous sommes capables de saisir sans un folklore visuel inopportun ? Prenons le spectateur pour une personne sensible et éduquée, qui sait tout à fait comprendre les subtilités d’un livret sans que l’on ait besoin de lui enfoncer le clou dans la tête.
Mais nous avons bénéficié d’un plateau vocal de premier plan qui nous permit de surpasser cet agacement.
Tout d’abord, dans le rôle titre de Manon, la pétulante, piquante mais aussi émouvante et mélancolique, puis dramatique, soprano américaine Nadine Sierra, belle interprète que s’arrachent désormais les grandes maisons d’opéra de par le monde.
Voix chaude, cuivrée, souple, ample, alliant projection et intimité, voire tendresse. Et puis, quelle comédienne !
Surtout que le metteur en scène la présente en petite nuisette durant la majorité de l’intrigue ! Mais jamais elle ne succomba à une quelconque vulgarité ni outrance. Signe de grand professionnalisme de l’école américaine, prête à affronter toute expression avec solidité et disponibilité. Et ceci dans un français quasi impeccable ! Elle fut l’atout maître de la distribution que nous avions pointé dès la parution de la saison bordelaise.
Mais à ses côtés personne ne démérita non plus :
Chez les Messieurs :
- Avec le baryton Alexandre Duhamel en Lescaut, cousin manipulateur, à la voix ample, profonde, et de belle diction.
- Avec un Laurent Alvaro, belle basse noble, en père Des Grieux, très impressionnant d’autorité, rappelant vraiment dans cette incarnation le Germont père de la "Traviata". Il existe d’ailleurs une certaine similitude entre ces deux œuvres à ce niveau de rapport père-fils et la "dévoyée".
- Par contre, en Des Grieux fils, Thomas Bettinger, qui fut à la hauteur au niveau engagement scénique, ténor à la voix lumineuse, a manqué de stabilité vocale et d’éclat.
- Belle mention pour le Guillot du ténor Damien Bigourdan, très caractérisé dans ce rôle de cynique intrigant.
Chez les Dames, mis à part l’héroïne principale :
- Beaucoup de petits rôles de courtisanes, aux mœurs légères et malheureusement trop caricaturées en aguicheuses montées sur talons aiguilles et toutes en guêpières, avec jambes en l’air, etc….Grand dommage !
- Pourtant, les sopranos Olivia Doray et Adèle Charvet, avec la mezzosoprano Marion Lebègue (notre Dorabella de Saint-Etienne) ont assumé leurs parties avec justesse et métier vocal. Trois belles voix !
Mention également aux Chœurs de l’Opéra de Bordeaux, amples, chaleureux et de bonne musicalité.
Quant à l’orchestre de Bordeaux-Aquitaine ? Une merveille ! Rutilance, éclat, romantisme échevelé, mais aussi douceur, mélancolie, finesse, transparence, en un éventail sensible des richesses de la partition de Massenet.
Exaltation orchestrale dûe bien sûr aux valeureux musiciens de la fosse mais aussi à la direction flamboyante et véritablement opératique, donc profondément théâtrale, du Maestro Marc Minkowski, tant dans les accents éclatants et emportés que dans ceux plus retenus et poignants d’émotion du final.
De la belle ouvrage de la part de notre chef familier à Grenoble (enfin de moins en moins ?) dont la qualité de musicien n’est plus à démontrer. Il est demandé et acclamé partout dans le monde.
Ainsi portée par cette baguette magistrale, la représentation fut de belle tenue dans l’ensemble malgré toutes les réserves évoquées. Certes, la musique de Massenet demeure un peu déconcertante, passant d’une certaine mièvrerie, un peu bluette, à une exaltation romantique qui lui donne sa notoriété dans le répertoire lyrique.
Ce séjour nous permit une autre découverte d’une grande maison d’opéra régionale française. Nous continuerons sans doute notre périple sur ces routes lyriques, signe de la bonne santé de l’Opéra dans notre pays, malgré toutes les difficultés et contraintes rencontrées dans la gestion de ces maisons.
Longue vie à l’Opéra et aux Amis de l’Opéra-Grenoble !
Alain GUIPONT
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