Les noces de Figaro
Wolfang Amadeus Mozart
Opéra Buffa en 4 actes
Livret de Lorenzo DA PONTE
d’après la comédie de BEAUMARCHAIS, La Folle journée ou Le Mariage de Figaro
Création à Vienne, Burgtheater, le 1er mai 1786
NOUVELLE PRODUCTION
Direction musicale Mark SHANAHAN
Mise en scène, costumes Vincent BOUSSARD
Décors Vincent LEMAIRE
Lumières Bertrand COUDER
Collaboratrice aux costumes Elisabeth de SAUVERZAC
La Comtesse Almaviva Patrizia CIOFI
Susanna Anne-Catherine GILLET
Cherubino Antoinette DENNEFELD
Marcellina Marie-Ange TODOROVITCH
Barbarina Jennifer COURCIER
Le Comte Almaviva Christian FEDERICI
Figaro Mirco PALAZZI
Bartolo Marc BARRARD
Basilio Raphaël BRÉMARD
Don Curzio Carl GHAZAROSSIAN
Antonio Philippe ERMELIER
Orchestre et Chœur de l’Opéra de Marseille
Avec cette partition, le duo Mozart / Da Ponte révolutionne tous les codes de l’opéra de son temps. La première de ces révolutions tient dans la place qu’occupe le couple de servants ainsi placé au coeur de l’ouvrage et dont les aspirations prévalent sur celles de leurs maîtres.
Da Ponte se charge de l’élaboration du livret en retravaillant adroitement la pièce de Beaumarchais, pourtant interdite à Vienne à cette époque. Mozart, quant à lui, présente une partition sérieuse, dépourvue d’extravagances vocales et de fioritures. L’action et le « vrai » écartent ainsi l’artifice et permettent à l’ouvrage – peut-être même au genre lyrique – de représenter, pour la première fois, le monde réel.
Résumé
Près de Séville, au Château Almaviva, à la fin du XVIIIe siècle. Figaro et Suzanne, respectivement valet et camériste du Comte et de la Comtesse Almaviva, préparent leurs noces. Mais leur joie risque d’être ternie par les audaces du Comte, prêt à tout pour séduire la future mariée. Aidés de la Comtesse, elle-même délaissée par son époux volage, Figaro et Suzanne devront faire preuve d’imagination pour déjouer les pièges d’Almaviva, éviter les chausse-trapes sournoises des Marceline, Bartholo et autre Basile, et utiliser au mieux les maladresses de Chérubin, jeune page enflammé. Rythmée par d’incroyables quiproquos, qui glissent en clin d’œil vers d’indicibles instants de mélancolie, la Folle Journée verra s’abattre les masques un à un et mettre à nu la vérité des cœurs.
Les commentaires du président de l'Association des Amis de l'Opéra Grenoble sur la sortie à Marseille :
Première sortie marseillaise ce dimanche 24 mars 2019 par un superbe soleil printanier !
Douceur, mais aussi fraîcheur, au rendez-vous du Vieux-Port pour ce second volet de la trilogie Mozart-Da Ponte, à savoir une représentation des "Nozze di Figaro".
Installés de façon peu commode dans les étroits fauteuils fatigués du Balcon, mais bénéficiant d’une vue imprenable sur la scène et d’une acoustique chaleureuse, nous assistâmes à une belle représentation de cet opéra foisonnant de rebondissements et dont l’intrigue découle directement de la pièce homonyme de Beaumarchais. Pièce jugée sulfureuse et interdite à la cour de Vienne. Cependant Mozart et Da Ponte ont su convaincre Joseph II de porter à la scène lyrique cette œuvre riche en réflexions sur la place des humains dans la société, sur leurs rapports entre "maîtres et serviteurs" et sur la liberté de la femme à revendiquer reconnaissance et autonomie.
Pour nous présenter ce livret conséquent, le metteur en scène chevronné Vincent Boussard a pris un parti à la fois traditionnel et novateur, mêlant sur le plateau la vision des Lumières du XVIIIème siècle et celle, plutôt tournée vers le XIXème, de la bourgeoisie, en poussant même quelques allusions à une modernité plus contemporaine, notamment chez les femmes.
Ceci grâce en grande partie aux costumes soignés qui distinguent visuellement ces différentes époques que Vincent Boussard mêle dans l’intrigue :
- avec une cour XVIIIème, celle du Chœur, assez extravagante mais de noir vêtue, où les maîtres sont au service de la dramaturgie en plaçant décors, accessoires et personnages sur le plateau et à la fois manipulateurs et spectateurs de la comédie humaine.
- en face, les protagonistes principaux déjà tournés vers le XIXème, voire vers le XXème avec les tailleurs très modernes (en pantalon) de la Comtesse entre autre.
L’ensemble évoluant dans un dispositif scénique relativement simplifié :
- trois murs entourant l’espace sur lesquels sont projetées diverses visions de matières, d’atmosphères, d’objets faisant parfois allusion aux Planches illustrées de la grande "Encyclopédie des Lumières".
- au dessus des ces murs, en galerie, les personnages de la Cour viennent assister au déroulement du théâtre.
- seul changement, ces trois murs s’éclipsent pour laisser la place à un vaste cube, symbole de l’appartement clos de la Comtesse, ouvert côté salle avec un tulle transparent sur lequel sont projetées diverses visions végétales, de parc, de cieux ennuagés, apportant une certaine poésie à l’ensemble.
Dans ce dispositif évoluent les personnages, souvent associés en couple et en grands ensembles, en une conception proche du théâtre originel de la pièce de Beaumarchais, caractérisant de manière très lisible leurs rapports mutuels, avec sensibilité et précision. Beau travail de direction d’acteurs-chanteurs tous très impliqués. Bravo à eux tous !
Nous avons pu ainsi nous laisser porter par l’avancée inéluctable de l’intrigue, sans "pollution déplacée" si fréquente de nos jours.
Pourtant, ce mélange d’époques ne fut pas du goût de tous nos Amis, attendant sans doute une approche plus "classique".
Côté interprètes :
Comme souvent désormais dans les bonnes maisons d’opéras (pas forcément les plus "grandes"), une équipe homogène, sans fausse note, de bons chanteurs-acteurs, disponibles et engagés dans la partition et le jeu scénique des personnages !
Chez les Messieurs :
- un Figaro jeune, solide voix chaude de baryton de Mirco Palazzi, manquant cependant de pétillance, d’allant, d’affirmation
- un Comte Almaviva superbe vocalement et visuellement du baryton Christian Federici, fort élégant et parfaitement crédible en Seigneur autoritaire, séducteur mais totalement dépassé par les évènements.
- des "comprimari" tous bien caractérisés avec Marc Barrard en Bartolo, Raphaël Brémard en Basilio, et le solide Antonio de Philippe Ermelinier.
Chez les Dames :
- fraîcheur et jeunesse mais aussi mélancolie touchante chez la Susanna de la soprano Anne-Catherine Gillet, très engagée dans ce rôle de femme déterminée à conquérir indépendance et reconnaissance, déjà très moderne, sachant parfaitement ce qu’elle veut !
- un Cherubino grand garçon androgyne et troublant, toujours là où il ne faut pas certes mais sachant très bien ce qu’il fait, drôle, superbe de jeunesse ouverte sur une inconnue intimidante, celle de l’âge adulte, portée par la belle voix de la mezzo-soprano Antoinette Dennefeld.
- seconds rôles tout autant caractérisés avec la "nouvelle mère" de Figaro, Marceline, par l’aplomb et le métier de la soprano Marie-Ange Todorovitch et avec la piquante Barbarina, rôle fugace mais plus important que l’on croit, incarnée par la jeune et mutine soprano Jennifer Courcier.
- Quid de la Comtesse, diriez-vous ?
Je ne l’ai pas oubliée. Comment le faire d’ailleurs ?
S’affirmant comme une femme délaissée et blessée mais déterminée à faire bouger les lignes du féminisme, en tailleur moderne très élégant, notre Patrizia Ciofi fit preuve d’une superbe maîtrise vocale !
L’on sent et entend de toute évidence l’expérience, la maturité du chant, la finesse et l’intelligence musicale, même si la voix trahit désormais un léger voile.
Quel silence dans la salle bondée lorsque la Comtesse s’épanche sur ses années perdues !!!
Incontestablement une grande Dame du chant !
- Mais, sans doute fatiguée et accablée par la chaleur régnant dans le théâtre, à fortiori sur le plateau, notre Patrizia fut victime à l’extrême fin de l’ouvrage, après avoir pardonné au Comte ses frasques, d’un malaise. Emoi dans la salle !!!
Etait-ce un évanouissement de théâtre ? Non, bel et bien un véritable malaise ! Rideau vite fermé !
La troupe vint ensuite saluer sans Patrizia et l’on sentait ses collègues inquiets, émus. Finalement, ils sont allés la chercher : superbe ovation de la salle !!
Mais Patrizia s’est à nouveau trouvée mal et fut vite emportée en coulisses.
L’on apprit quelques jours plus tard qu’elle allait nettement mieux au point d’assurer les représentations suivantes.
Simple coup de fatigue lié au gros travail de répétition pour la première de ce dimanche. Heureusement !
Une seule ombre à ce tableau et c’est grand dommage : le chef !
Non pas qu’il fût incompétent, loin de là. Il a dirigé avec maîtrise le bon orchestre de l’Opéra de Marseille, pas tout à fait assez chaud durant l’ouverture, puis à l’aise ensuite.
Le problème de ce chef : un manque évident et cruel d’implication théâtrale !
Mark Shanahan avait tout à disposition : une belle troupe talentueuse, un bon orchestre fort honnête musicalement, mais il n’a pas su insuffler cette vitalité fondamentale nécessaire au déroulement de ces "Nozze" mozartiennes.
Cette musique du Divin compositeur demande une fièvre intérieure, une tension, une jeunesse certes mais surtout une vérité des sentiments éprouvés. Hélas, elle ne fut pas tout à fait au rendez-vous.
Ceci dit, ce fut cependant une belle représentation d’ensemble (même si l’on peut y apporter certaines réserves) grâce au professionnalisme des interprètes.
Nous dûmes quitter à regret la lumière radieuse du couchant sur le Vieux-Port !
Alain GUIPONT
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