Ernani à Marseille

Ernani

Guiseppe Verdi

 

Opéra en 4 actes
Livret de Francesco Maria PIAVE
d’après le drame de Victor HUGO, Hernani

Création à Venise, La Fenice, le 9 mars 1844
Dernière représentation à Marseille, le 28 Mars 1999

PRODUCTION Opéra de Monte-Carlo / Opéra Royal de Wallonie

Direction musicale Lawrence FOSTER
Mise en scène Jean-Louis GRINDA
Décors Isabelle PARTIOT
Costumes Teresa ACONE
Lumières Laurent CASTAINGT

Elvira Hui HE
Giovanna Anne-Marguerite WERSTER

Ernani Francesco MELI
Don Carlo Ludovic TÉZIER
Don Ruy Gomez de Silva Alexander VINOGRADOV
Don Riccardo Christophe BERRY
Jago Antoine GARCIN

 

Orchestre et Chœur de l’Opéra de Marseille

 

Des cinq actes de la pièce originale, le livret de Francesco Maria Piave retient quatre « parties»  dotées chacune d'un titre. Mais la spécificité de cet Ernani créé au Teatro La Fenice de Venise le 9 mars 1844, réside davantage, après les grandioses Nabucco (1842) et I Lombardi (1843), dans le tournant prophétique des futures passions verdiennes, nettement plus intimistes : les arias doubles et clivées par un tempo di mezzo, les lancinantes polyphonies de fin d'acte annoncent, outre Stiffelio (1850) dont le Rocher a donné une superbe version l'année dernière, Rigoletto et La Traviata (1853). Ernani qui se termine par le sacre de Charles Quint, le meilleur ennemi de Catherine de Médicis (Jean Orieux, Bibliographies historiques, Flammarion, 1998), n'en contient pas moins les thèmes de la conjuration et du pacte fraternel contre le tyran du Don Carlo à venir (1867). Verdi n'en demeure pas moins Verdi : l'amour au faîte de son incandescence doit s'effacer devant le sens de l'honneur et de la parole jurée.

 

Résumé

 

L’action se situe en Espagne en 1519. Après l’assassinat de son père, Don Juan d’Aragon est devenu Ernani, chef d’une troupe de rebelles montagnards. Proscrit et pourchassé par les émissaires de Don Carlo, roi de Castille, il aime d’un amour partagé mais impossible, Elvira, qui doit épouser un vieux parent, Ruy Gomez de Silva. La jeune fille est également confrontée aux avances de Don Carlo qui doit devenir empereur sous le nom de Charles Quint. Ernani décide d’enlever sa bien-aimée au moment où Don Carlo lui dévoile son amour. Les trois protagonistes sont surpris par Silva qui doit s’incliner devant son roi tandis qu’Ernani peut prendre la fuite. Mais le jeune homme revient dans le château de Silva le jour même de ses noces avec Elvira. Silva, fidèle aux lois de l’hospitalité, refuse de livrer son rival proscrit à Don Carlo qui emmène avec lui Elvira comme gage de la loyauté de Silva. Ernani conclut alors un pacte avec Silva : ils combattront le roi pour sauver l’honneur d’Elvira, puis dès que le vieillard le décidera, il fera résonner son cor qu’il lui confie pour signifier à Ernani le moment de mourir. Carlo devenu l’empereur Charles Quint accorde sa clémence aux conjurés et consent aux noces d’Ernani et Elvira. Mais au milieu des réjouissances retentit le son du cor. Silva inflexible exige son dû : la vie d’Ernani, qui respecte sa parole en se poignardant sous le regard jubilatoire du vieillard.

 

 

Les commentaires du Président de l'Association des Amis de l'Opéra Grenoble sur  " Ernani" de Guiseppe VERDI :

 

 

       Aller et retour Grenoble-Marseille ce dimanche 10 juin 2018 pour notre dernière sortie de la Saison 2017/2018.

Une première, sans nuitée à l’hôtel, qui s’est effectuée sans problème, en car Faure très confortable mené par nos deux conducteurs Christian et Kamel. Mesure nécessaire car la durée totale de la sortie excédait l’amplitude de conduite autorisée pour un seul conducteur.

 

- Opéra de Marseille, 14h30, représentation d’"Ernani" de Verdi, 5ème opus du Maestro et œuvre déjà annonciatrice du grand style et de la maîtrise de création de ses futurs opéras qui affirmeront son génie musical.

 

Installés dans l’inconfort des fauteuils étroits et fatigués du 1er Balcon, mais bénéficiant d’une vue d’ensemble et d’un acoustique impeccables, nous avons assisté à une représentation particulière : avant le lever de rideau, une annonce fut faite par le Directeur de l’Opéra, nous informant qu’en raison d’un mouvement social la mise en scène serait présentée de façon incomplète mais que les interprètes avaient tenu à assurer le spectacle. Clameur un peu houleuse du public !

Finalement, nous avons pu assister à un déroulement tout à fait construit et homogène au niveau scénique. Qu’avons-nous manqué ? Nous apprendrons plus tard que ce furent surtout les éclairages et quelques jeux de décors qui posèrent problème. Nous ne l’avons guère remarqué.

Certes, la scénographie fut assez statique, fort classique, avec un décor par acte, l’ensemble unifié par un immense miroir incliné en fond de scène, reflétant le dispositif et les déplacements des personnages sur le plateau. Effet déjà vu maintes fois mais qui demeure toujours aussi efficace et spectaculaire.

Les éléments de décors et les costumes évoquaient l’époque du livret, un XVème siècle espagnol d’avant Charles-Quint. Aucune transposition contemporaine inopportune !

Jeux dramatique et déplacements des personnages bien réglés mais sans recherche particulière et assez conventionnels, qui nous ont permis un suivi optimum de l’intrigue parfois confuse.

En résumé, la perturbation annoncée n’a pas entaché de façon marquante la qualité de représentation.

Jean-Louis Grinda, le metteur en scène, qui n’est pas un "révolutionnaire", nous a proposé un travail fort correct mais moins inventif, moins dramatique, que son excellente "Carmen" du Capitole de Toulouse d’avril dernier.

 

- Côté interprètes, par contre, l’Opéra de Marseille a tapé haut et fort en réunissant un plateau vocal de premier choix, voire de grand choix, avec notamment trois rôles masculins remarquables !

 

     Une seule femme face à ces trois prétendants pour le moins entreprenants : la sensible Elvira, interprétée ici par la soprano chinoise Hui He. Voix ample, solide, faisant face sans défaillance à la longueur et à la difficulté d’un rôle alliant agilité vocale et puissance dramatique. Un registre typique de soprano "lirico spinto" préfigurant déjà la Leonora du "Trovatore", entre autres ! Bravo à elle !

Voix à la hauteur mais cependant pas véritablement émouvante et manquant parfois de la subtilité capable de nuancer le caractère du personnage faisant face aux trois ambitions masculines.

 

Chez les messieurs, justement :

          Un jeune amoureux fougueux et déterminé, prêt à affronter les présomptions affirmées d’un tuteur et d’un Roi !

Le rôle titre, Ernani, est un noble espagnol agissant sous les traits d’un bandit pour assouvir la vengeance de la mort du père et la conquête de sa bien aimée qui lui a été promise autrefois. Voix héroïque, fière, romantique, parfois enflammée : celle affirmée du ténor italien Francesco Meli, fort réputé, et que l’on avait déjà entendu précédemment au Regio de Turin dans "I Lombardi alla prima crociata". Belle ligne de chant verdien. Son final fut bouleversant d’émotion ! Belle ovation du public !

          A ses côtés, et premier rival : un Roi, d’âge mûr, Don Carlo futur Charles-Quint, faisant acte de son autorité pour afficher des prétentions sur la jeune héroïne. Voix typique du "Baryton Verdi", qui jalonnera ensuite nombre des œuvres du Maestro (dont "Rigoletto"), demandant puissance, profondeur, mais aussi clarté et élévation du registre. Qui pour l’incarner ici à Marseille ? Tous simplement l’un des deux ou trois meilleurs barytons mondiaux dans ce registre, notre cher Ludovic Tézier, natif de la ville. Voix chaude, timbrée, d’une ampleur impressionnante, au phrasé parfait, à la diction exemplaire, qui s’impose d’emblée au public. La grande classe ! Roi autoritaire puis Empereur sachant pourtant faire preuve de clémence.

Seul bémol : le côté statique du personnage. Ludovic Tézier n’est pas particulièrement "comédien" et présente un personnage assez classique mais emprunt de noblesse. Il annonce déjà le futur Philippe II du Don Carlo qui suivra !

Ovation explosive des Marseillais pour l’enfant du pays !

          Troisième homme de l’intrigue : le plus âgé, faisant valoir son ascendant parental de tuteur sur sa nièce Elvira. C’est un Grand d’Espagne ce Da Silva, le "méchant" du trio, qui ne renoncera jamais à sa prétention amoureuse sur Elvira, fut-ce au prix du sacrifice de son jeune rival Ernani. Une voix de basse noble idéalement incarnée par le chanteur russe Alexander Vinogradov, impressionnant d’aisance vocale et de profondeur, de velouté et de terreur à la fois, avec une diction et un phrasé accomplis. Ce n’est pourtant pas un grand gabarit mais il fut totalement crédible dans son rôle. Annoncé fatigué avant le dernier acte, il assura pourtant son personnage mais débarrassé de son maquillage de vieillard qui devait sans doute le gêner pour chanter. Belle ovation pour lui aussi.

 

Un bravo aux "comprimari", rôles secondaires, interprétés avec musicalité par Anne-Marguerite Werster, Christophe Berry et Antoine Garcin.

 

 Un grand bravo également au Chœur de l’Opéra de Marseille de belle tenue vocale !

 

Dernier atout majeur de cette représentation : l’orchestre de l’Opéra de Marseille ! Certes, encore un peu hésitant durant l’ouverture mais vite au fait de la dramaturgie verdienne, capable d’éclairer les nuances subtiles et romantiques de la partition, encore un peu "verte" mais déjà annonciatrice du grand style à venir.

Mais, un orchestre a besoin d’un chef et quel chef que Lawrence Foster, directeur musical des lieux ! Grande impression de par son extrême précision de direction, contrôlant tout, et qui ne lâche jamais ses interprètes, qui les porte, les emporte, les canalise, pour nous restituer la flamme profonde de l’âme de cet opéra précurseur du grand romantisme.

Respect du premier Verdi encore flamboyant et parfois un peu pompier mais sans jamais l’exagérer, toujours dans la justesse d’expression. Puis, déploiement du grand Verdi avec générosité !

De la "belle ouvrage" !!! Un véritable chef d’opéra !!! Grand bravo à lui et à ses musiciens !!

 

Malgré les problèmes de personnel annoncés et l’inconfort des fauteuils, nous avons à nouveau dégusté une belle représentation d’un 4ème opéra de Verdi dans la même saison. Mais, qui s’en plaindrait ?

Retour à Grenoble un peu nostalgique d’une fin de saison. Mais, bienvenue à la nouvelle !

 

Longue vie à l’Opéra et aux Amis de l’Opéra !

 

 

Alain GUIPONT

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