Les Lombards
Giuseppe Verdi
« Les Lombards à la première croisade »
Drame lyrique en quatre actes
Livret de Temistocle Solera
Tiré du poème homonyme de Tommaso Grossi
Personnages et interprètes
Arvino, fils de Folco seigneur de Rho Giuseppe Gipali
Pagano Alex Esposito
Viclinda Lavinia Bini
Giselda Angela Meade
Pyrrhus Antonio Di Matteo
Prieur de la ville de Milan Joshua Sanders
Accianos Giuseppe Capoferri
Oronte Francesco Meli
Sofia Alexandra Zabala
Conducteur
Michele Mariotti
Réalisé par Stefano Mazzonis de Pralafera
scènes Jean-Guy Lecat
costumes Fernand Ruiz
lumières Franco Marri
Assistant réalisateur Gianni Santucci
Maître des refrains Andrea Secchi
Orchestre et choeur du Teatro Regio
En coproduction avec l'Opéra Royal de Wallonie-Liège
Deux frères, Pagano et Arvino, aiment la même femme, Viclinda. Pagano ne pense qu’à se venger de son frère qui a épousé Viclinda. Il projette de tuer son rival et d’enlever sa femme mais dans la confusion du palais dont il a provoqué l’incendie, il tue par erreur son propre père. Pagano, devenu parricide, est exilé. Arvino conduit les Croisés en Terre Sainte, où sa fille Giselda est prisonnière du tyran Acciano. Elle aime d’un amour partagé le fils d’Acciano, Oronte, qui veut se convertir au christianisme, comme l’a déjà fait sa mère, Sofia. Pour délivrer sa fille, Arvino attaque Antioche dans laquelle il pénètre guidé par un mystérieux ermite. Quand sa fille apprend qu’il a tué Oronte et son père, elle se détourne de lui en maudissant ce crime. Arvino fou de colère, s’apprête à la tuer. Mais Oronte qui n’est pas mort, retrouve Giselda. Dans leur fuite pour échapper à la colère d’Arvino, il est mortellement blessé. L’ermite le baptise avant qu’il n’expire. Cet ermite providentiel n’est autre que Pagano désormais repenti. Blessé à son tour, il meurt en révélant sa véritable identité à Arvino qui lui pardonne le passé tandis que la ville sainte apparaît surmontée de la bannière des Chrétiens.
Les commentaires du Président de l'Association des Amis de l'Opéra Grenoble sur " I Lombardi alla prima crociata" de Guiseppe VERDI :
Samedi 28 avril 2018, escapade habituelle à Turin pour aller écouter au Teatro Regio une œuvre de jeunesse de Verdi, "I Lombardi alla prima crociata", rarement jouée sur les scènes opératiques internationales.
Quatrième opéra du Maestro, composé sur la lancée de son célébrissime "Nabucco", également crée au Teatro alla Scala de Milan, tout juste un an après, le 11 février 1843.
Œuvre encore "verte" si l’on pouvait oser la comparaison avec un bon vin, qui manque de maturité et à l’intrigue comportant pas mal d’incohérences, comme souvent dans les premiers livrets du Maestro.
Musique pleine de bruit et de fureur, d’éclat patriotique et déjà pourtant annonciatrice du romantisme verdien.
Partition en retrait par rapport aux avancées du fameux "Nabucco" dont Verdi semble avoir voulu prolonger la veine créatrice sans en atteindre la même force d’impact.
Les personnages manquent de caractères, de développement, à l’opposé des figures fortes et pleinement incarnées du "Nabucco" qui en firent son immense succès.
Partition pourtant reçue avec ferveur par les Milanais de 1843 qui ont retrouvé la cause similaire d’un peuple soumis aspirant à sa libération, Verdi ayant replacé au dernier acte un grand chœur très proche des inflexions de son incomparable "Va pensiero…. " précédent.
Musique inégale certes mais que l’on a dégusté avec simplicité, au premier degré, en toute spontanéité de "tifosi verdiens" que nous sommes. Musique qui fait du bien de par son évidence.
Nous avons retrouvé une mise en scène d’un temps désormais oublié, d’il y a 20 ans. Celui des "mises en place" dans le décor, au détriment du jeu théâtral réduit trop souvent à sa plus simple expression : le personnage entre, se pose et chante à l’avant-scène, la main sur le cœur, puis repart ! Je caricature un peu, je l’avoue bien volontiers.
Stefano Mazzonis di Pralafera (directeur de l’Opéra royal de Wallonie-Liège) a joué la carte de la tradition avec une incarnation scénique des personnages un peu trop stéréotypée, simplifiée et parfois maladroite.
Chaque acte se situe dans un décor figuratif évoquant un lieu de l’intrigue, comme le parvis de l’église Saint Ambroise de Milan au 1er acte, puis un palais chrétien, puis un autre plus oriental, etc…Seule exception, un tableau plus abstrait et assez spectaculaire de grandes structures inclinées faisant penser à des cristaux géants. Belle image finale avec une grande découverte en fond de scène de la Jérusalem délivrée.
Pour évoquer la bataille des croisés, le metteur en scène a utilisé un extrait du célèbre film du cinéaste russe Sergueï Mikhaïlovitch Eisenstein, "Alexandre Nevsky", de 1938 et projeté sur un tulle en avant-scène. Durant quelques minutes, on y voyait la bataille des Chevaliers Teutoniques contre les Russes sur le lac gelé. Scène culte du cinéma !
Le film est construit sur la "Cantate Alexandre Nevsky" composé par Prokofiev.
Costumes à l’avenant, d’époque médiévale indéterminée, chatoyants et assez luxueux, mis en valeur par de beaux éclairages.
Ce point de vue classique avait comme avantage de livrer la plus grande lisibilité possible à une intrigue pour le moins complexe et ponctuée d’incohérences où des personnages disparaissent et réapparaissent mais sous une autre fonction ou identité, etc….
Distribution tout à fait honorable, pas toujours homogène où des voix portaient plus que d’autres.
Dans les rôles des deux frères ennemis :
- le ténor Giuseppe Gipali en Arvino : voix correcte mais peu affirmée et présence trop effacée.
- la basse Alex Esposito en Pagano, frère rebelle, source des tensions du livret. Voix plutôt en retrait durant le premier acte, puis, une fois le personnage transformé en moine mystérieux, voix plus ample et de meilleure stature. Il devint l’un des rôles clefs de l’intrigue.
Côté voix féminines :
- la soprano Lavinia Bini en Viclinda, épouse d’Arvino, ce qui génère l’extrême jalousie de Pagano. Voix correcte mais peu présente.
- par contre, sa fille Giselda, rôle central du livret, contrasté et virtuose, fut interprétée avec une assurance souveraine par la grande soprano Angela Meade, déjà admirée dans l’"Ermione" de Rossini en version concert à l’Opéra de Lyon, en début de saison dernière. Autorité vocale capable de surmonter toutes les difficultés de la partition. Parfois, cela passe un peu en force. Mais grand bravo à elle !
- Sofia, femme du Tyran d’Antioche, rôle secondaire, fut incarnée correctement par la soprano Alexandra Zabala.
Dernier rôle masculin d’importance, Oronte, fils du même Tyran, et amoureux de la chrétienne Giselda, il fut incarné par le célèbre ténor Francesco Meli : voix ample et assurée au beau phrasé mélodique que nous lui connaissons.
Chœur du Regio de Turin égal à lui-même : musicalité et beauté du chant !
Orchestre du Regio de Turin lui aussi en grande forme : souplesse, éclat, douceur, vivacité, romantisme, tout y était !
L’ensemble sous la baguette remarquable du jeune chef italien, Michele Mariotti, directeur musical du Rossini Opera Festival de Pesaro (auquel je vous engage vivement à assister). Véritable chef d’opéra, n’oubliant jamais que l’opéra est aussi du théâtre, sachant tenir ses interprètes tout en les portant à bout de bras afin de les mettre en valeur. Très à l’aise dans cet univers exalté du premier Verdi, Mariotti met en lumière toute la fougue de cette partition sans jamais l’exagérer outre mesure.
De la belle ouvrage qui emporta l’enthousiasme du public turinois dans ce tourbillon musical dont nous sommes ressortis satisfaits et heureux !
Viva Verdi ! Et longue vie à l’Opéra !
Alain GUIPONT
Écrire commentaire